• Descartes et la liberté

      

    3ème sujet :

     

     Expliquez le texte suivant : la connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas recquise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

     

     

     En même façon, si j'examine la mémoire, ou l'imagination, ou quelque autre puissance, je n'en trouve aucune qui ne soit en moi très petite et bornée, et qui en Dieu ne soit immense et infinie. Il n'y a que la seule volonté, que j'expérimente en moi être si grande, que je ne conçois point l'idée d'aucune autre plus ample et plus étendue: en sorte que c'est elle principalement qui me fait connaître que je porte l'image et la ressemblance de Dieu. Car, encore qu'elle soit incomparablement plus grande dans Dieu, que dans moi, soit à raison de la connaissance et de la puissance, qui s'y trouvant jointes la rendent plus ferme et plus efficace, soit à raison de l'objet, d'autant qu'elle se porte et s'étend infiniment à plus de choses ; elle ne me semble pas toutefois plus grande, si je la considère formellement et précisément en elle-même. Car elle consiste seulement en ce que nous pouvons faire une chose, ou ne la faire pas (c'est-à-dire affirmer ou nier, poursuivre ou fuir), ou plutôt seulement en ce que, pour affirmer ou nier, poursuivre ou fuir les choses que l'entendement nous propose, nous agissons en telle sorte que nous ne sentons point qu'aucune force extérieure nous y contraigne. Car, afin que je sois libre, il n'est pas nécessaire que je sois indifférent à choisir l'un ou l'autre des deux contraires ; mais plutôt, d'autant plus que je penche vers l'un, soit que je connaisse évidemment que le bien et le vrai s'y rencontrent, soit que Dieu dispose ainsi l'intérieur de ma pensée, d'autant plus librement j'en fais choix et je l'embrasse. Et certes la grâce divine et la connaissance naturelle, bien loin de diminuer ma liberté, l'augmentent plutôt, et la fortifient. De façon que cette indifférence que je sens, lorsque je ne suis point emporté vers un côté plutôt que vers un autre par le poids d'aucune raison, est le plus bas degré de la liberté, et fait plutôt paraître un défaut dans la con­ naissance, qu'une perfection dans la volonté, car si je connaissais toujours clairement ce qui est vrai et ce qui est bon, je ne serais jamais en peine de délibérer quel jugement et quel choix je devrais faire; et ainsi je serais entièrement libre, sans jamais être indifférent. 

     

     

     

     

     Descartes, au début de cet extrait des Méditations métaphysiques, porte son attention sur « la mémoire, ou l’imagination, ou quelque autre puissance… » que l’on peut trouver en l’homme. Pour comprendre ici le terme de « puissances », on peut passer par l’étymologie du terme latin potentia qui  désigne à la fois le pouvoir et le possible. Ici « mémoire et imagination » sont des « puissances » au sens où elles sont pour nous des potentiels qui, si nous les réalisons, nous rendent plus capables, de produire des représentations à notre esprit pour la première, de les faire perdurer et de se souvenir pour la seconde. La mémoire et l’imagination sont donc des « puissances » au sens de ce qu’on nous appelons aujourd’hui des « facultés ». Il faut noter que nous passons souvent par de telles facultés pour distinguer l’être humain des autres hommes animaux et tenter de définir ce qui serait comme le propre et la supériorité en valeur de l’homme.

     

     Une telle enquête peut alors nous donner à penser non seulement sur ce peut l’homme, mais également sur ce qu’il est, et pour finir sur ce qu’il vaut c’est-à-dire sur le fondement de sa valeur morale, si on le compare à d’autres espèces par exemple ou à plus parfait que lui. Et justement, dès la première ligne, Descartes commence par comparer l’homme à Dieu. « …si j'examine la mémoire, ou l'imagination, ou quelque autre puissance, je n'en trouve aucune qui ne soit en moi très petite et bornée, et qui en Dieu ne soit immense et infinie ». Le but d’une telle comparaison est de savoir où se situe tel ou tel individu dans la hiérarchie des êtres et de quelle perfection l’homme est capable en général. Ce qu’il faudra donc ici entendre par Dieu dans ce commentaire de texte, pour rendre à cette idée toute son intelligibilité, c’est une idée de la perfection qui nous permette de réfléchir sur la valeur de tout ce qui pourrait s’en rapprocher. Que dit-il à ce sujet ?

     

     Descartes remarque qu’il n’y a pas de faculté, imagination ou mémoire, si « petite et bornée » chez un individu qu’on ne puisse se la représenter « immense et infinie» en Dieu. Du point de vue des facultés, on peut toujours se représenter une imagination ou une mémoire plus parfaite que la sienne. Pas la peine même d’aller jusqu’à se représenter un entendement divin pour voir qu’il y a sur terre de nombreuses personnes qui ont sur de nombreux sujets plus de connaissances, d’imagination ou de mémoire que moi. C’est un fait, qui en appelle certes à la modestie, mais ce n’est qu’un fait. Ce qui donne du sens à ce fait c’est que ce n’est ni par l’imagination, ni par la mémoire, que nous sommes, à « l’image de Dieu », porteurs de perfection. Pourtant une grande mémoire et une imagination prolifique sont souvent reconnues comme des qualités dignes d’admiration et procurent un prestige social indéniable. Descartes semble affirmer, quant à lui, que nos facultés de connaissance ou de perception peuvent nous rendre plus ou moins performants dans tel ou tel domaine mais elles ne sont pas ce qui détermine notre valeur morale, ni la grandeur de nos actes.

     

     Où trouver alors un tel critère de jugement ? Dès la phrase suivante Descartes répond à cette question. C’est dans la « volonté », présente chez l’homme, que Descartes trouve « l’image et la ressemblance de Dieu ». Comment comprendre cela ? Par la valeur morale que seule la volonté est capable de conférer à nos actes. En tant que principe d’action, la volonté se distingue du mécanisme qui dirige les phénomènes naturels. Selon cet autre principe d’explication, on ne peut imputer une valeur morale ou une responsabilité à l’intérieur du règne minéral, végétal ou animal puisque les êtres y sont régis par un principe de causalité et non par une volonté libre. Mais quel lien établir entre cette volonté morale, parce que nécessairement libre et libre pour pouvoir être morale, et les facultés précédemment examinées que son l’imagination et l’entendement ? Et par la même comment penser la valeur et la perfection de cette imagination et de l’entendement si seule la volonté porte « l’image et la ressemblance de Dieu » ? Nous voyons ici que ce qui doit être éclairé c’est la nature de l’idée de perfection souvent évoquée, et par la même l’idée de Dieu. Nous pourrions aussi le dire plus simplement en parlant de ce qui fait valeur aux yeux de Descartes. L’idée de perfection est essentiellement morale avons-nous commencé par affirmer. Cependant nous sommes ici comme au croisement de la valeur qu’il faut reconnaître à la moralité de la volonté seule et de la valeur supérieure qu’il faut reconnaître à nos facultés intellectuelles. Faudra t-il penser séparément la « volonté », « l’imagination » et « la mémoire » et voir de la volonté « comme un pilote dans son vaisseau » constitué par les facultés humaines ou bien les voir comme intimement liées comme étant l’expression les unes des autres?

     

     Descartes, pour examiner la nature de la volonté, reprend pour l’exprimer la comparaison entre les degrés d’extension dont sont capables les facultés humaines et divines. Il affirme que seule la volonté est parfaite chez chacun d’entre nous de manière à ne pouvoir imaginer aucune qui ne puisse être plus grande que la notre. Cela pourrait nous surprendre dans un premier temps. En effet, nous sommes habitués à penser qu’il existe des personnes dotées d’une volonté plus ou moins grande, affirmant ainsi que la volonté aussi est sujette à des variations d’intensité. Pour comprendre l’idée de Descartes, il nous faut considérer non pas simplement la volonté dans son sens psychologique, toujours susceptible de plus et de moins, non pas dans ses effets donc mais plutôt d’un point de vue « formel » et « en elle-même » écrit-il, dans son principe c’est-à-dire dans sa détermination. C’est sur ce point que Descartes nous dit que la volonté ne peut nous échapper. Si en effet notre volonté c’est notre conscience en tant qu’elle détermine notre conduite, nous ne pouvons imaginer que notre volonté puisse déborder notre attention et échapper à notre contrôle. Non pas que la volonté ne puisse être infinie dans ses objets mais elle semble infiniment nôtre dans l’emprise que nous exerçons sur elle. Conscience et volonté semblent être coextensives, se recouvrir l’une l’autre.

     

     Nous pourrions opposer un autre auteur contemporain de Descartes sur ce sujet, le philosophe hollandais Baruch Spinoza selon lequel lorsque nous faisons de la volonté et de la conscience l’origine de nos actions souvent c’est au détriment de l’analyse de la volonté et de la conscience en elle-même qui pourraient bien ne pas être cause d’elle-même. Ainsi on pourrait s’opposer à l’idée selon laquelle notre volonté seule nous appartient et reste sous notre seul contrôle.

     

     Cependant au sein même du texte, on trouve une objection à cette idée que Descartes semble se faire à lui-même. Une objection qui pourrait participer à la critique des conceptions qui font de l’homme un sujet rationnel qui serait tout connaissant et tout puissant. Descartes semble même se contredire quand il affirme à propos de la volonté « qu’elle soit incomparablement plus grande dans Dieu, que dans moi ». Comment comprendre cela alors même qu’il affirmait, la phrase précédente, qu’on ne pouvait imaginer une volonté plus étendue que la nôtre ? Pour répondre, il faut lire plus avant et pas plus loin que les mots qui suivent : « à raison de la connaissance et de la puissance » qui trouvent en Dieu. C’est donc parce que Dieu connaît de la façon la plus étendue que sa volonté est plus grande que toute autre et que la nôtre. C’est cette articulation entre connaître et vouloir qu’il nous faut repenser pour nous. Si connaître mieux c’est vouloir plus, avec plus d’ampleur et de fermeté, comme le dit plus haut le texte, c’est qu’il ne faut pas confondre vouloir et désirer. Si je peux désirer sans connaître, il semble que ce qui fait que ma volonté soit parfaite, « à l’image de celle de Dieu » si la notion de volonté peut s’appliquer à Dieu, c’est qu’elle soit coextensive à ma connaissance des objets sur lesquelles elles portent c’est-à-dire parfaitement maitrisée. En effet, je peux, par exemple, désirer faire telle ou telle étude, je ne peux véritablement le vouloir que si je fais ce choix en connaissance de causes, comme le dit l’expression, à savoir en connaissant les causes de mon choix, non seulement les études en question mais également les raisons qui m’y poussent. Ainsi plus je connais plus je suis capable de vouloir, non pas simplement au sens numérique du terme, car ici un désir capricieux pourrait tout aussi bien faire l’affaire et m’offrir une infinité d’objets à convoiter ; non pas quantitativement mais librement et nécessairement pourrait-on dire, c’est-à-dire que ma volonté adhère à ma connaissance et elle – ma volonté - s’étend et s’enrichit avec elle – la connaissance -.

     

     On pourrait même remarquer que les différentes caractéristiques censées définir la perfection divine vont et résonnent en ce sens. En effet, plutôt que de simplement affirmer que Dieu est omniscient, omnipotent et omniprésent, on pourrait dire qu’il est l’un justement en raison des autres et qu’il est nécessaire pour penser la perfection de pouvoir les articuler. Ainsi, Dieu peut tout, peut tout vouloir par exemple, parce qu’il connaît tout et c’est parce que sa volonté est fondée sur sa connaissance qu’elle acquiert cette nécessité et se sépare de tout caprice injustifié. Avant même de redoubler le problème en soulevant le paradoxe selon lequel la volonté n’est libre que lorsqu’elle veut ce qui est nécessaire, nous pourrions ouvrir la piste selon laquelle c’est parce que Dieu sait tout et qu’il peut tout que par la suite il est partout. L’omniprésence est pensée ici non seulement sous la forme de la nécessité, c’est-à-dire équivalence de l’Etre de Dieu à la rationalité du monde et de la nature, mais également comme omniprésence au sens de l’amour, avec l’idée que Dieu est amour. C’est parce qu’il sait tout que Dieu ne peut être qu’amour. Ainsi, on pourrait affirmer que la connaissance est amour, est cause d’amour. Nous en voulons pour exemple que souvent nous n’aimons pas ceci ou cela, cette discipline ou cette personne, parce que nous n’y arrivons pas ou parce que nous ne la connaissons pas assez bien. Ici, « Dieu est amour », omniscient, omnipotent et omniprésent, cela signifie que plus je connais, plus je deviens capable d’aimer et de choisir par amour et librement.

     

     

     

     Mais il faut reprendre les tensions présentes dans le texte et les souligner. Si en effet, la volonté est ce qui fait que l’homme soit porteur de « l’image et de la ressemblance de Dieu » et qu’en même temps elle ne suffise pas sans la connaissance à nous rendre parfait c’est qu’elle doit être pensée en même temps pour elle-même, à l’état de pure potentialité, ou de simple faculté, en tant qu’elle est privée de connaissance et par la connaissance elle-même qu’elle semble appeler pour se réaliser. Descartes nous dit que la volonté seule permet d’accomplir l’ultime étape du choix que l’on appelle traditionnellement la décision. Il prend un exemple emprunté au registre de l’action et du corps à savoir la possibilité d’« affirmer ou nier, poursuivre ou fuir ». On pourrait ajouter les traditionnels exemples : aller à droite plutôt qu’à gauche, lever ou non le bras... Cela signifie t-il que Descartes nous invite à penser la volonté comme un moyen terme entre le corps et l’esprit ? Et si l’action est accomplie, et le corps un être qui obéit, peut-on penser que la volonté est toute puissante alors que sans connaissance elle ne saisie rien ?

     

     

     

     C’est bien de la liberté humaine que semble dépendre le sort que l’on va faire à la volonté. Cette liberté première qu’incarne le fait que nous disposons de la volonté Descartes la nomme la « liberté d’indifférence ». Il ne s’agit pas d’indifférence au sens psychologique du terme d’après lequel on peut aimer ou non quelque chose, quelqu’un, ou lui être indifférent ; il s’agit ici de l’indifférence au sens logique de la possibilité et qui s’oppose à la notion de nécessité. Ainsi, lorsque j’ai la liberté au sens de la possibilité de faire une chose ou de ne pas la faire on peut dire d’après Descartes que mon choix est indifférent. Descartes écrit au sujet de la volonté qu’ « elle consiste seulement en ce que nous pouvons faire une chose, ou ne la faire pas ». L’homme possède bien une liberté d’action mais pour Descartes le problème est de confondre cette forme de liberté avec la liberté toute entière. C’est même l’illusion ou la thèse première à laquelle il s’attaque. Cette « liberté d’indifférence », pour reprendre son concept, est pour Descartes « le plus bas degré de la liberté ».   

     

     Pourquoi le « plus bas degré » ? Peut-être l’appareil critique pour saisir cela est-il déjà en place. Nous voyons que pour parler d’un choix libre, la liberté du choix ne suffit pas. S’il n’y a aucune liberté et que nous sommes contraints, voire forcés, à agir notre volonté n’est pas libre et on pourrait même aller jusqu’à dire que nous n’avons pas le choix. Cependant avoir le choix n’est pas suffisant pour que notre choix puisse être reconnu comme libre. Prenons pour exemple une hypothèse de pensée. Dans une machine automatique que l’on appelle distributeur, nous plaçons des cigarettes, des livres, des cd de musique classique et des bonbons. Plaçons à présent en face de ce distributeur une personne qui n’aurait ni l’habitude lire, ni celle d’écouter des musiques dites savantes, mais qui aurait par contre une accointance toute particulière pour les boissons sucrées depuis son enfance et pour les cigarettes depuis une période de temps assez longue. On pressent grâce à cet exemple toute la difficulté qu’il y a à juger de la liberté d’un acte. Pour reprendre le vocabulaire de Descartes, on peut voir que la personne est bien en possession d’une « liberté d’indifférence », « formellement » personne ne la force à appuyer sur tel ou tel bouton pour faire tomber l’objet de son choix. Son choix pour autant est-il libre ? On sait, grâce aux statistiques et aux enquêtes sociologiques ce qu’il se passe, quels choix vont être effectués, dans la majeure partie des cas. Ce n’est pas même tel ou tel scénario particulier qui nous intéresse ici. En effet, un choix fait au hasard ou le choix exceptionnel d’un livre par quelqu’un qui ne lit pas en ferait-il immédiatement une définition pour penser le choix libre ?   

     

     Descartes affirme que « la liberté d’indifférence est le plus bas degré de la liberté » parce qu’un choix libre est un choix qui doit être fait en connaissance et non par hasard, par ignorance ou par caprice. Si l’indifférence pouvait sembler dans un premier temps une condition nécessaire mais non suffisante de la liberté, Descartes semble douter à présent non seulement du fait qu’elle puisse suffire mais également de sa nécessité. Ce n’est plus dans le sentiment d’hésitation face au possible que vient se loger la liberté mais dans son effectivité. Etre libre ne réside plus dans le simple fait de pouvoir choisir, comme on l’entend souvent, mais dans l’acte de choisir ce je sais être nécessaire pour moi. Descartes écrit « afin que je sois libre, il n'est pas nécessaire que je sois indifférent à choisir l'un ou l'autre des deux contraires ; mais plutôt, d'autant plus que je penche vers l'un, soit que je connaisse évidemment que le bien et le vrai s'y rencontrent ». Le « bien » et le « vrai » sont donc, pour notre auteur, également porteur de liberté et surtout ils se « rencontrent » ensembles dans la connaissance, c’est-à-dire comme si la moralité et la vérité étaient pour Descartes l’envers et l’endroit d’une même réalité.

     

     Descartes remet alors en question ici une opposition centrale pour penser la liberté qui est celle qui oppose nécessité et liberté. On oppose traditionnellement ce qui appartient au domaine de la nécessité, assimilé au domaine de la nature et de tout ce qui est déterminé par des lois et ce qui participe du domaine de la liberté, que l’on peut relier au choix et à la volonté libre. L’homme est alors vu pour reprendre l’expression du philosophe Baruch Spinoza comme « un empire dans un empire », appartenant au deux domaines mais de manière séparée voire contradictoire, sans qu’il soit possible de penser le passage de l’un à l’autre. Etre libre dans ce texte c’est au contraire choisir ce qui est nécessaire. Tout le problème réside peut-être dans le fait de connaître avec certitude ce qui est nécessaire pour moi mais cela ne change rien à l’idée émise dans cet extrait. On pourrait aussi penser que l’on découvre le degré de liberté d’un choix non pas à l’impression de liberté d’où il provient mais à la somme de liberté qu’il produit. Ce serait même cela l’étonnante « efficacité » dont sont capables ensembles la connaissance et la liberté.

     

     

     

     Le choix libre ne découle plus de la réflexion et d’une longue délibération mais il est l’expression qui peut-être immédiate et spontanée de notre degré de connaissance. « Promptitude et résolution » pour l’action sont les caractéristiques de la morale provisoire que propose ailleurs Descartes, bien loin de l’image du doute que Descartes voulait circonscrit à la recherche des fondements pour le savoir.

     

     Bien loin d’être une affaire de sentiments ou de choix parmi d’innombrables possibles Descartes nous propose de penser la liberté comme un choix éclairé par une connaissance. Nous pourrions même aller plus loin et rejeter cette expression de « choix éclairé » qui ferait apparaitre deux moments dans l’acte libre pour dire que la liberté c’est la connaissance faite vie. Nous allons mourir vite et nous n’avons pas le temps, pas le temps de perpétuellement nous tromper, il nous faut apprendre à choisir vite et bien. Choisir bien c’est toujours choisir le Bien. Il n’y a plus à distinguer entre l’ordre de la morale, l’ordre de la connaissance et ce qui est. La liberté chez Descartes ce n’est pas l’affirmation d’un libre arbitre ignorant et coupé du monde c’est une connaissance si précise qu’elle donne au choix et au corps la vitesse de l’esprit. Une vivacité de l’esprit se transmettant au sens et capable de se transformer en coup d’œil et en sensibilité raffinée, une école dans et pour la vie.