• Un exemple de bonne dissertation faite par une élève...

     la dissertation:

    Faut-il se méfier de l'opinion ?

     

    (Un exemple de bonne copie d’élève, non sans défaut certes, qui a l’avantage de montrer ce qu’un(e) étudiant(e) peut faire dès le début de l’année avec de bonnes recherches, un bon plan et un bon travail de réflexion sur le sujet)

     

                L’opinion se définit généralement comme une croyance, un avis, un point de vue. Lors d’une discussion, on donne son avis ou on échange des opinions avec ses interlocuteurs. Pourtant, comme l’expression « point de vue » le montre, l’opinion semble immédiatement relative à chaque individu, à sa manière de voir les choses. A la différence d’un véritable jugement, elle reste sans fondement et ne relève pas d’une connaissance rationnelle. Ce qui caractérise donc l’opinion, c’est son absence de certitude. Mais peut-on lui faire confiance ? En un sens non, puisque sans fondement, elle est vue comme un avis nourri par la croyance, les premières impressions, les différentes cultures, les différentes classes sociales ou encore les préjugés. Elle s’éloigne de la connaissance vraie puisqu'elle ne peut pas rendre raison d'elle-même.

                Toutefois, il arrive que l’opinion soit par hasard vraie, qu’elle coïncide, sans l’avoir cherché, avec la vérité. Rejeter un avis au nom de la vérité, est-ce nécessairement affirmer que l’opinion n’est capable d’aucune vérité ? Ne peut-on pas parler d'opinion vraie ? En effet, si nous la rejetons systématiquement, il devient dès lors difficile d'accepter que des régimes politiques puissent reposer sur ce que l'on nomme l’opinion. Dans ce cas faut-il s'en méfier ? Ici, on ne parle pas simplement de l’opinion dans le domaine de la connaissance, mais également dans celui de la politique. Ainsi, un régime tel que la démocratie va reposer sur l'opinion du peuple. L'opinion est considérée comme étant non fondée mais faut-il cependant toutes les rejeter ? Y’a-t-il pour cela différentes formes d'opinions ? Il se pourrait bien, que l’opinion se révèle être vraie même si elle manque de fondement. Mais pouvons-nous nous en remettre à elle ?

             Faut-il avoir confiance en l’opinion ou au contraire faut-il s'en méfier ? L’opinion n'est-elle pas capable d'une vérité ?

     

                On a coutume de définir l’opinion comme une croyance peu fiable, incertaine, variable selon les individus, les classes sociales et les cultures. Faut-il s'en méfier ? D'emblée, l'opinion paraît ainsi s'opposer à la vérité qui, elle, est certaine et indubitable. Elle est considérée comme étant le règne de l'apparence, du préjugé et de l'idée toute faite. Il vaut mieux donc ne se fier uniquement à la vérité et se méfier de l'opinion. Mais pourquoi ? Est-elle nécessairement mauvaise ? Nous pouvons ici penser au texte allégorique de Platon, extrait de la République livre VII, dans lequel il dépeint les hommes prisonniers attachés au fond d'une caverne, liés ensemble depuis l’enfance par des chaines qu’ils portent au cou et aux pieds, prisonniers de ce qu’ils voient, entendent ou sentent. On a alors une image de ce que peut être l'opinion: la soumission aux sens qui consiste à prendre pour vrai ce que l’on voit. Les prisonniers qui sont dans l'opinion sont persuadés avoir raison parce qu'ils sont prisonniers de leurs sens et de l'apparence. L’opposition entre les prisonniers et celui qu'on libère figure bien dans ces conditions l'opposition entre l'opinion et la vérité. Dans une même perspective, on peut en venir à l'analyse que Bachelard, fait dans La formation de l'esprit scientifique, lorsqu’il écrit : « L’opinion pense mal, elle ne pense pas, elle traduit des besoins en connaissances ». La critique opérée par Bachelard consiste à rejeter l'opinion comme  étant radicalement étrangère à la vérité et même dangereuse. Dans son ouvrage, il s’attache également à montrer que même si parfois l'opinion semble avoir raison, ceci n'est qu'une apparence, elle a toujours tort parce qu'elle n'est jamais fondée: « On ne peut rien fonder sur l'opinion ». Pour Spinoza également, l’opinion est forcément «sujette à l'erreur et n'a jamais lieu à l'égard de quelque chose dont nous sommes certains mais à l'égard de ce qu'on dit conjecturer ou supposer». Elle est dénoncée comme a priori douteuse, illusoire ou fausse, voire dangereuse, lorsqu'elle cherche à s'imposer en dissimulant la faiblesse de ses fondements sous les apparences de la plus claire certitude. L’opinion ne s’appuie donc pas sur la raison et la vérité mais par exemple sur la peur, le désir, l'autorité, la superstition ou même la croyance. Prenons pour exemple, les opinions racistes. Une personne étrangère au pays qui cherche du travail à toujours plus de difficultés qu'un originaire. Mais pourquoi ? Tout Simplement car les opinions des employeurs se fondent sur les apparences et aussi sur la peur de l’autre. On peut revenir au texte de Platon avec le prisonnier qu'on a pu libérer et qui est sorti de la caverne. Lorsqu'il redescend, il subit des menaces puisque ceux qui sont restés rient de lui et veulent le tuer.

                Un autre argument nous incite à nous méfier des opinions et à ne leur accorder aucun crédit : leur caractère irrationnel. Si la présence des opinions témoigne d'une faculté de penser propre à l'homme, l'origine des opinions ne semble pas résider dans la 'raison mais plutôt dans les passions, les sentiments. Platon montre qu'un rhéteur comme Gorgias se dit capable de modifier les opinions des individus grâce à la puissance de son langage. Dès lors, l'opinion peut devenir un instrument de domination dangereux si nous renonçons à notre conscience critique, et si nous remettons en question la valeur de nos propres opinions en dépit de celles des autres. Néanmoins, si l'opinion est rejetée parce qu'elle est sans fondement et dangereuse, toute opinion est-elle nécessairement fausse ?

                En effet, si nous rejetons systématiquement l'opinion, il devient dès lors difficile d'accepter que des régimes politiques puissent reposer sur ce que nous nommons l'opinion. Considérer l'opinion comme une idée toute faite, comme un simple avis manquant de fondement, conduit-il nécessairement à assimiler l'opinion à l'erreur ? Ne peut-on pas parler d' « opinion vraie» ? L'opinion peut posséder déjà un certain degré de vérité en distinguant l'opinion de l'erreur. Une erreur est une affirmation donnée comme vraie et qui n'est pas conforme aux normes logiques de la vérité, l'opinion, quant à elle est incertaine, non fondée rationnellement, mais n'est pas nécessairement fausse. Lorsque Bachelard critique l'opinion, c’est  précisément parce qu’il part d'une réflexion sur la connaissance scientifique. C’est ainsi à partir d'une certaine conception de la vérité que la critique est construite. La vérité est alors ce qui peut être démontré, elle est une construction rationnelle de l'esprit qui peut être expérimentée. Faut-il pour autant ne pas faire confiance à l’opinion ? Dans le Ménon, alors qu'il s'interroge sur la vertu, Platon reconnaît aux opinions droites, la faculté, sur les sujets qui ne relèvent ni de la science, ni de la simple conjecture, d'éclairer l'action humaine. L'opinion devient alors une' forme de connaissance pratique. Si Platon parle alors d'opinion droite et non de savoir, c'est au sens où l'opinion droite manque de fondement. Toutefois, dans le domaine de la morale, à défaut de vérités certaines, des intuitions justes relatives au bien peuvent guider efficacement l'action ou l'éducation. Prenons l'exemple de l'éducation que donnent les parents à leurs enfants. C'est dans le champ de la morale, qu'ils transmettent leur avis, leur opinion à leur enfant afin de les éduquer et de les mener vers le droit chemin. C'est pour cela qu'à propos de l'opinion droite, Platon dit qu'elle possède quelque chose de divin.

                En dehors du domaine de la morale, on parle également de l'opinion en politique. Un régime tel que la démocratie repose sur l'opinion du peuple. Le pouvoir politique doit quand même prendre en compte l'opinion car c'est elle qui reflète des problèmes qu'il doit traiter. N'oublions pas qu'en démocratie, qui est un régime représentatif, nous ne déléguons pas sa volonté individuelle mais simplement l'élaboration des lois publiques. Nous élisons des gens pour qu'ils nous représentent, c'est à dire pour qu'ils prennent en compte notre opinion d'une manière ou d'une autre. Rousseau, dans Le Contrat social fait la différence entre intérêt privé et volonté générale. Il montre que l'un et l'autre ne sont pas une somme - au sens strict: la loi n'est pas juste le reflet de tous les intérêts privés à un moment donné, car sinon elle changerait tous les jours. Rousseau explique aussi que la démocratie est un système représentatif dans lequel on délègue, non pas sa volonté, mais sa capacité à délibérer des lois car sinon on serait trop nombreux à parler en même temps, et on ne s'accorderait jamais. La liberté d'opinion est un droit fondamental dans les sociétés démocratiques en tout cas, dès l'instant ou ceux auxquels elle est garantie n'en usent pas au détriment de la liberté d'autrui. Il existe donc différentes opinions et elles ne sont pas toutes à rejeter.

                L'opinion constitue donc une forme de connaissance utile, voire un type de jugements éminemment respectable. II n'est pas certain qu'il faille toujours la tolérer, puisqu'elle n'est pas : certainement vraie. Elle s'oppose et fait donc peut-être  un obstacle à la connaissance authentique qu'est la science et c’est en ce sens que Les Grecs, en particulier Platon, opposent Doxa (opinion) et Épistémè (science).

                Cependant, une opinion ne peut-elle pas devenir une vérité lorsqu'elle est prouvée ?

                Nous avons vu que les opinions ne sont pas nécessairement fausses : elles sont plutôt incertaines, et c'est pourquoi nous ne leur accordions au début aucune valeur. Mais la science permet de montrer quelles sont les opinions fausses et les - opinions vraies, car elle repose avant tout sur des faits, des observations qui corroborent les théories scientifiques. Ainsi, Galilée a pu prouver grâce à ses observations qu'il était exact dire que la terre tourne autour du soleil, et non l'inverse. De même, Darwin a montré au XIXème siècle que les espèces animales ne sont pas apparues d'un seul coup, mais qu’elles sont le résultat d'une évolution. Sa théorie allait à l’encontre des croyances religieuses, mais elle avait pour elle preuves sur lesquelles elle se fondait, notamment l'observation des fossiles et des couches géologiques. La science, dans la mesure de ses moyens, permet donc de définir la vérité et la fausseté des opinions, et par conséquent de déterminer leur valeur. Elle donne un critère montrant à quelle opinion il faut se fier. L'opinion reste bien une croyance incertaine mais la morale et la science permettent justement de déterminer la valeur des opinions parce qu'elles ne sont pas des opinions: elles sont des certitudes. Pour qu'elles aient de la valeur, il faut donc qu'elles soient fondées sur autre chose qu'une opinion, qu'elle dépasse l'opinion en direction de la vérité.

     

     

                Au terme de ce raisonnement, nous pouvons donc affirmer que l'opinion seule reste incertaine, variable et changeante, lorsqu'elle ne se fonde pas sur des valeurs universelles définies par la morale ou sur les données de la science. Nous avons vu, que l'opinion peut être une chose importante dans un régime politique tel que la démocratie qui repose sur les opinions du peuple. Aussi, nous avons pu affirmer qu'il existe différentes opinions et qu'elles ne sont pas nécessairement fausses pour autant. Toutefois, il ne faut pas oublier que l’opinion est définie comme étant insuffisamment démontrée, comme étant incertaine ou simplement probable. Mais, il se peut que par un raisonnement scientifique, une opinion puisse dès lors devenir une certitude et l'opinion est ainsi dépassée.