Expérience et vérité

Cours sur Expérience (théorie) et vérité

  Qu’est-ce qu’avoir de l'expérience ?

 

Nous pensons souvent que la plupart de nos connaissances (ou de ce que nous croyons connaître) nous viennent de nos expériences. Le problème est de savoir si ces contenus de vécu (de conscience ?) peuvent prétendre être de véritables connaissances...

 

Introduction : problématiques et recherches d’idées.

 On associe souvent avoir de l’expérience et être âgé… prble : Avoir vécu suffit-il pour avoir de l’expérience ?  Quelle est la différence et que nous apprend-elle sur l’expérience ?

 -       « Avoir de l’expérience » : une expression ambigüe = avoir des connaissances + mais des connaissances qui viennent du vécu (différent de la simple connaissance théorique ?).

 -       Prble : différence entre simple vécu (avoir traversé des expériences) et être entré en possession de ses expériences (sens du verbe avoir dans l’expression en q°)

 -       La difficulté pour traduire ses expériences en connaissances = il faut réussir à « tirer des leçons de l’expérience ». Fausse expression simple à bien analyser = « tirer » = « s’extraire » de l’expérience (pour aller vers plus d’« abstraction ») = pas si simple, une expérience peut être assez forte pour nous « bloquer » (cf. traumatisme). On n’arrive rien à en tirer = on n’arrive pas à s’en sortir (à passer à autre chose). 

 -       « Tirer des leçons de l’expérience » c’est opérer un passage entre deux dimensions = « l’expérience » vécue qui correspond à un « cas particulier » et la « leçon » qui indique l’idée d’une « loi ou d’une règle générale » qui doit (et peut) être établie (ce qui est loin d’être évident !). « Tirer » = s’abstraire = atteindre un degré d’ « abstraction » nécessaire pour pouvoir réfléchir (différent de la fascination dans laquelle nous plonge le cas particulier, le fait divers, ou le caractère monstrueux de l’exception)

 -       Tirer des leçons c’est réussir non seulement à atteindre une loi à partir d’un ou plusieurs cas mais aussi voir qu’on peut faire de sa vie privée et singulière l’occasion de rentrer en contact avec des expériences universelle (la vie des autres hommes) donc humaines.

 -       Sans cela : tout expérience est purement privée mais aussi tombe sous le coup de la thèse de l’incommunicabilité et de l’indicible.

 -       Ici expérience = avoir un secret. Valeur double et double sens du mot secret = 1) ce qui résiste au dévoilement et produit la singularité de son porteur (cf. Quignard : « Le secret, c’est ce qui clôt l’âme »). 2) Le secret comme cachot : ce qui peut nous emprisonner dans une solitude radicale. texte de Jorge Semprun, L'écriture ou la vie sur l'enfermement dans la mémoire personnelle des camps de concentration.

 -       Ne faut-il pas aussi « Tirer une expérience de la leçon » ? (mettre en pratique les théories !) Cf. Pierre Hadot.

 2^e grand problème possible : Est-il possible (aisé) de partager ses expériences ?

 Expérience et langage : le problème de la thèse de l’expérience mystique, de l’indicible et de l’incommunicabilité…

 3^e problème : Faut-il toujours chercher à traduire ses expériences en leçons ? (ou peut-on ne pas tirer des leçons de l’expérience ? Cf. Texte de Barthes sur l’absence de délicatesse et la surdétermination…).

 4^e : Qu’y a t-il de plus (ou de moins) dans la connaissance empirique qui ne se trouverait pas dans la connaissance théorique ? La connaissance en première personne et son irréductibilité.

 Que veut-on dire lorsque l’on parle de « faire ses propres expériences » ?

 - Etymologies possibles : ex perimentum = avoir traversé de grand péril. Idée selon laquelle il n’y a pas d’expérience sans prise de risque… Ou experiri = « faire l’essai », « faire une tentative », « mettre à l’épreuve »…

 

 Problématiques : Avoir vécu suffit-il pour avoir de l’expérience ? De quelle vérité l’expérience est-elle capable ? (si elle en est capable…). L'expérience est-elle la seule source de nos connaissances ? Peut-on connaître ce dont on n'a pas l'expérience ? L'expérience peut-elle servir de preuve ? Peut-on penser contre l'expérience ? Peut-on connaître ce dont on n'a pas l'expérience ? Suffit-il de voir pour savoir ? Ne doit-on tenir une proposition pour vraie que si elle est contrôlable par l'expérience ? Est-il raisonnable d'opposer théorie et expérience ? Faut-il se défier des théories ?

 

   I-              La connaissance fondée sur la seule expérience sensible est-elle garantie ? Peut-on se fier à l'expérience pour connaitre ce qui nous entoure ? (Peut-on se fier par exemple à ce que l’on voit ? (cf. St Thomas, les médias…) 

  Par quels moyens la connaissance par expérience (la connaissance empirique) procède pour me donner des informations sur le monde ? Par les sens…

  Rappel du texte de Platon, République livre VII : Connaissance sensible = connaissance des effets et pas des causes des choses (cf. Histoire) = apparence…

 

  A) Une critique de la connaissance et de l'expérience sensible (et immédiate) :

Texte de Bergson, Le rire

Que me donnent à connaître mes sens du monde ou des objets ? Mes sens m’informent-ils sur la réalité ou sur leur simple apparence ?

  Connaissance empirique = connaissance sensible (ou sensorielle)

Texte de Descartes (l’expérience du morceau de cire), Méditations métaphysiques :

 Distinction qualités premières (substance, l’identité, l’identique et ce qui ne change pas) et qualités secondes (accident, qualités sensibles ou esthétiques, le mouvant…).

Possibilité de le compléter avec le texte de Maurice Merleau-Ponty, Causeries de 1948

2 documentaires :

- Un monde de couleurs, arte Editions 

- L'émission "Philosophie" sur les couleurs (Arte) http://videos.arte.tv/fr/videos/philosophie_couleur-3840224.html + Suppléments : http://videos.arte.tv/fr/videos/philosophie_couleur_bonus_web_-3840198.html

- 1 Emission de radio :  Emission Continent science (19/12/2011) : « La couleur dans tous ses éclats » avec Bernard Valeur http://www.franceculture.fr/emission-continent-sciences-un-monde-de-couleurs-2011-12-19

- Un livre : De la couleur, Claude Romano

 

 

B) A partir de quel moment une expérience possède t-elle une valeur scientifique ? Quelle est la différence entre une expérience quotidienne et une expérience scientifique ?

 Qu’est-ce que faire une expérience en science ? Simplement constater un phénomène ?

 

 Texte de Kant, Critique de la Raison pure : Expérience (sensorielle) et expérimentation scientifique (guidée par la raison). Connaissance par habitude et connaissance nécessaire.

 

Transition : Nos sens ne nous apprennent t-il rien de fiable ? L’apparence (ce qui apparaît) n’est-elle qu’illusion ?

 

II-           De quelle vérité l'expérience est-elle capable ? 

 Ne faut-il pas donner sa chance à l’expérience et lui reconnaître une place importante dans notre connaissance ? Peut-on connaître quelque chose sans en faire d’une manière ou d’une autre l’expérience ? La connaissance n’est-elle pas aussi une forme de l’expérience ? Qu’est-ce que faire une grande expérience ?

 

 A) Les qualités sensibles ne sont-elles que des qualités secondes ? Les apparences nous trompent-elles nécessairement ou peuvent-elles être l'occasion d'une révélation ?

L'art comme expérience (John Dewey ?) et la phénoménologie de la perception (Merleau-Ponty) :

Textes de Merleau-Ponty, Causeries de 1948 (faire écouter les archives sonores de l'INA).
- Les distinctions entre la connaissance scientifique (portant sur le général et sur la substance) et la connaissance que permet l'art (portant sur le singulier et l'existence). (ex. : La lumière dans les photographies de Tarkovski, les tableaux de la cathédrale de Rouen par Claude Monnet,  De Chirico, le son dans le film Lisbone story de Wim Wenders, le transfert de poids dans la danse, les synesthésies dans La recherche du temps perdu de Marcel Proust). Du singulier à l'universel...

L'expérience de l'universel dans l'expérience singulière : la découverte amoureuse et le type de connaissance qui lui est propre.

Texte de Platon, Le banquet

B) Faut-il nécessairement distinguer la théorie et la pratique (la théorie et l'expérience) ?

1) Analyse du lieu commun qui distingue "la théorie et la pratique" : sens et valeur donnés à l'un et à l'autre dans le lieu commun.

Prble : Peut-on agir pratiquement sans aucune connaissance théorique ? Lorsqu'on possède des connaissances pratiques n'a t-on pas des théories ?

2) N'y a t-il pas une connaissance propre à l'expérience ou à la pratique (sans avoir à passer par la théorie ou par des études universitaires) ?

- Savoir-faire, savoir-être et savoir-vivre : L'homme (ou la femme) d'expérience, l'homme de terrain, l'homme d'action (ceux et celles qui sont à certains moments de leur plus dans le faire).

Le propre de l'expérience (de quoi manque t-on quand on manque d'expérience ? Que permet l'expérience ?)

Le kairos et la mètis comme pensée de l'action : Le "sens pratique", le "coup de main" : autodidacte et bricoleur et grand joueur.

Texte (possible) de Jean-Pierre Vernant, La mètis chez les Grecs.

 

(Facultatif C) Expérience et révélation (ou intuition) : L’universel contenu dans le particulier…

 Qu’est-ce que comprendre quelque chose ? A l’occasion d’un événement singulier, on comprend quelque chose d’universel (on ne peut pas en être sûr scientifiquement, ce n’est pas un savoir au sens de la science, mais on le sent, et on a envie de chercher… Une forme du savoir que l’on peut appeler intuition ou inspiration)

  Cf. cours sur l’art : La déclaration du spectateur qui s’exclame devant une œuvre : « C’est tellement vrai… ».

 Cela demande de définir un nouveau type de vérité…

 

Conclusion possible:  Expérimenter c’est connaître en son nom, interpréter : différent d’apprendre par cœur…

 En ce sens pas de connaissance sans expérience… Comment apprend-on ?

 Texte de Deleuze, Proust ou les signes